L’abbatiale Saint-Géraud est sans conteste le lieu où l’on peut voir le plus de témoignage du culte géraldien, dont nous avions proposé un inventaire dans l’ouvrage publié en 2010 :Sur les pas de Géraud d’Aurillac en France et en Espagne[1]. Une scène originale de l’iconographie de saint Géraud est représentée sur un grand vitrail dans la chapelle dédiée au saint. Sur cette verrière, malheureusement très oxydée et peu lisible aujourd’hui, on peut voir Adeltrude enseignant la charité à ses enfants. Le jeune Géraud tend un pain à un pauvre mendiant estropié, tandis que sa sœur Avigerne porte le panier. Le château Saint-Étienne est figuré à l’arrière-plan. Le vitrail n’est pas daté mais on sait qu’il sort de l’atelier toulousain de Victor Gesta, actif jusqu’en 1894. On retrouve cette scène sur le bas relief d’un autel néo-gothique, aujourd’hui placé dans le déambulatoire, qui se trouvait probablement dans la chapelle Saint-Géraud à l’origine. On peut y voir, comme sur le vitrail, le jeune Géraud faisant l’aumône à un pauvre béquilleux, avec à ses côtés Adeltrude et Avigerne. La copie est évidente, car les postures des personnages sont exactement les mêmes que chez Gesta, mais on ne sait qui a copié l’autre. Il nous manque en effet une date pour cet autel en chêne, non signé, où l’on peut lire tout en bas le nom des donateurs : M. et Mme Charles Prax.
La facture de ce bas-relief est très proche de celle des boiseries de la chapelle Notre-Dame du Chœur (dans la même église), sculptées par Joseph Peuch en 1888, juste avant son départ pour l’Argentine[2]. On peut donc envisager que ce retable ait été réalisé par le sculpteur au même moment ou à la même période. Par ailleurs, nous avons pu observer qu’une scène équivalente avait été peinte par le même Joseph Peuch dans l’église de Tournemire, datée de 1887. Cette iconographie est réutilisée par le sculpteur et peintre, pour décorer la chapelle dédiée à Saint-François, en mettant en scène non pas Adeltrude mais Élisabeth de Hongrie, sainte patronne du tiers-ordre de Saint-François. La charité est en effet une iconographie classique de la sainte hongroise. Le curé de Tournemire signale d’ailleurs dans sa monographie en 1912 que la scène est copiée du vitrail de sainte Adeltrude à Aurillac.
On voit donc que les modèles circulaient dans les ateliers et étaient adaptés aux lieux et aux sujets. Quant à la famille Prax qui finança le retable, on peut la rapprocher des Prax de Reilhac, famille renommée de militaires, domiciliée au château de Messac[3]. Charles, fils aîné du général Prax, chef-de bataillon lui-même, s’était retiré avec le grade de lieutenant-colonel en 1880 et fut maire de Naucelles. En 1881, monseigneur Bouange publie son Histoire de l’abbaye d’Aurillac. On comprend qu’à la suite de cette publication, un nouvel engouement pour saint Géraud se manifeste par la revalorisation de chapelle dédiée au bon comte, décorée de nouveaux vitraux et d’un retable comportant une iconographie spécifique, financé par une famille locale en vue. Il faut rappeler que cette chapelle avait été réédifiée au début du XVIe siècle par l’abbé Jean de Cardaillac, qu’il avait orné de peintures murales représentant les principaux épisodes de la vie du saint. Ces peintures, restaurées à plusieurs reprises, existaient encore vers 1880. Elles auraient (hélas !) disparu lors des travaux effectués dans les années soixante, à l’époque où la mode était à la pierre mise à nu[1].
[1]. Abbé Joubert, L’abbaye bénédictine de Saint-Géraud d’Aurillac, 894-1561, Aurillac USHA, 1984, p. 374.
[1]. Pierre Moulier (dir), Sur les pas de Géraud d’Aurillac en France et en Espagne, éditions Cantal Patrimoine, 2010.
[2]. Voir l’article sur la Dynastie Peuch dans Patrimoine en Haute-Auvergne n° 26.
[3]. Yves Marret, La famille Prax, trois générations au service de la France, article en ligne sur le site d’APROGEMERE.